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Photo du rédacteurThierry Bardy

Atermoiements



Hugues de Jouvenel de Futuribles international


Ces derniers mois, le robot conversationnel ChatGPT, apparu fin novembre 2022, a connu un immense succès. Ses performances, qui seront peut-être rapidement dépassées, ont été perçues comme une avancée majeure dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) que des augures estiment destinée un jour à remplacer, sinon dépasser, l’être humain. Mais « méfions-nous des manipulateurs quand ils vous connaissent trop bien », écrit joliment Laurence Devillers (dans Le Monde du 6 février 2023) qui nous met opportunément en garde contre une IA devenant si puissante que nous abdiquerions nos libertés. Au demeurant ne prêtons-nous pas à cette IA un pouvoir excessif alors que son développement risque de s’écraser sur cinq murs : ceux de la confiance, de l’énergie, de la sécurité, de l’interaction avec les humains, et de son inhumanité ? Telle est la thèse de Bertrand Braunschweig qui, dans ce numéro, explique ce que sont ces « murs » et examine comment les surmonter afin que l’IA ne sombre pas dans « un troisième hiver » comme elle en a déjà connu. Pour ne prendre qu’un exemple, les besoins en énergie de l’IA sont énormes alors même que, en Europe du moins, 50 ans après le premier choc pétrolier, nous prenons conscience de notre dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur et de son corollaire, la hausse des prix, évidemment partiellement liés au conflit en Ukraine et aux mesures adoptées par l’Union européenne à l’encontre de la Russie. Une mesure courageuse, semble penser Jean-François Drevet, qui souligne toutefois le cruel dilemme auquel l’Europe est confrontée : prétendre défendre les droits humains et la démocratie, ou être condamnée à dépendre, pour ses besoins énergétiques, d’approvisionnements en provenance de pays du Moyen-Orient qui ne sont guère plus vertueux que la Russie sur le plan des valeurs. Ce faisant, l’auteur souligne une des grandes faiblesses de l’Europe occidentale face aux deux géants que sont la Chine et les États-Unis. Nul ne doute qu’il soit urgent de s’affranchir de cette dépendance aux énergies fossiles et de s’orienter vers une société décarbonée : tel est le défi de la « transition écologique ». Mais le chemin sera long et d’autant plus difficile que l’on tardera à l’emprunter. C’est en substance ce que démontrent les articles de Dominique Auverlot et Alain Sauvant sur la prospective des transports et des mobilités en France aux horizons 2040 et 2060, un secteur qui à lui seul est responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Leur analyse est d’autant plus intéressante qu’elle porte sur l’ensemble des moyens de transport (passagers et marchandises, routier, maritime et aérien), et tient compte du cycle de vie des véhicules et des infrastructures. Les auteurs présentent cinq scénarios exploratoires, en partant de la situation actuelle, construits à partir de différentes hypothèses portant sur les comportements de sobriété et les progrès techniques. Aucun de ces scénarios ne permet d’atteindre les objectifs poursuivis ! Aussi ont-ils construit deux scénarios normatifs (backcasting) montrant quels efforts plus intenses de sobriété et quels progrès techniques plus importants seraient nécessaires pour réussir cette transition d’ici 2060. Leur compte à rebours est révélateur de bien des difficultés, deux d’entre elles figurant dans nos « Actualités prospectives » : l’une relative aux alternatives à la batterie lithium-ion qui joue un rôle essentiel dans les véhicules électriques ; l’autre portant sur les coûts induits par l’habitat dispersé qui soulève un problème non moindre d’aménagement du territoire et de logement. Ces articles soulignent les défis inhérents à la transition écologique. À défaut d’énergie, d’une économie décarbonée et d’une planification stratégique à long terme résolue, les Français se mobilisent actuellement (alors que nous bouclons ce numéro) sur un autre théâtre d’opérations, celui du projet de réforme des retraites qui, comme celle de l’assurance chômage, vise à les inciter à travailler davantage pour mieux équilibrer les comptes sociaux. Nul ne doute que le vieillissement démographique et la dégradation du rapport entre actifs occupés et inactifs allocataires qui l’accompagne posent un problème financier, mais aussi d’adaptation de la société au vieillissement. C’est un fait connu depuis longtemps. Mais la politique que décrivent Antonin Bergeaud et Gilbert Cette, dans leur article sur les difficultés de recrutement, ne suscite manifestement pas un immense enthousiasme ! Une fois encore, le contraste est saisissant entre la détermination de la Chine et des États-Unis d’une part, celle de l’Europe de l’autre. L’ambition des premiers est claire et les moyens qu’ils déploient pour y parvenir sont considérables. En témoigne, par exemple, le programme des nouvelles routes de la soie lancé par la Chine voici 10 ans pour nouer des relations stratégiques et nourrir ses ambitions hégémoniques. Comme le montre l’article de Barthélémy Courmont, Frédéric Lasserre et Éric Mottet, ce programme et sa forme ont certes évolué, mais le cap est tenu…

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