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Photo du rédacteurThierry Bardy

Comment s'attaquer aux défis du futur


Olivier Blanchard Jean Tirole


Au début de l'année dernière, le président Macron nous demanda de former une commission pour réfléchir aux politiques à mettre en place afin de répondre aux grands défis du futur. Nous choisîmes trois défis parmi les plus importants : climat, inégalités et vieillissement de nos sociétés (la pandémie n'était pas encore arrivée).

Même s'ils paraissent très différents, ces trois défis ont beaucoup en commun : ils soulèvent des questions intra et intergénérationnelles fondamentales. Quel avenir allons-nous laisser à nos enfants ? Quelle planète ? Quels emplois ? Ils découlent de la nature de la croissance, et de son principal moteur, le progrès technologique et médical. Ce dernier est la source de l'augmentation considérable du niveau de vie, de la longévité accrue. Mais il est aussi responsable du réchauffement climatique, de l'augmentation des inégalités et de la fragilité du régime des retraites.

Stockage de l'électricité

Dans les trois cas, les effets pervers n'apparaissent que lentement, permettant aux politiques de procrastiner et d'éviter les mesures qui fâchent, que ce soit l'introduction d'un prix du carbone ou l'augmentation de l'âge de la retraite. Dans les trois cas aussi, les solutions existent, mais elles sont complexes et multidimensionnelles, technologiques comme économiques.

Dans ce contexte, nous avons décidé de faire trois choses. D'abord faire le point sur ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas. Par exemple, l'une des grandes inconnues, dans le combat contre le réchauffement climatique, est l'incertitude quant au progrès sur les technologies de stockage de l'électricité.

Ensuite, dessiner les contours d'une stratégie de réformes. Les défis ne seront relevés que si l'on prend un ensemble de mesures cohérentes. Dans le cas du réchauffement climatique, l'introduction d'un prix du carbone mais aussi une R&D mieux financée et gérée, des interdictions et des normes avec un calcul de leur rapport coût-efficacité (nombre de tonnes de carbone évitées par euro dépensé), et l'identification puis la compensation des perdants. Sans cohérence, les politiques seront soit bien plus coûteuses, soit trop peu efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique.

Enfin, identifier et comprendre les perceptions de la société civile sur ces sujets, et les sources des oppositions à certaines de ces réformes dans le passé. Des perceptions peuvent être inexactes : souvent les mesures les plus visibles sont critiquées alors que d'autres, moins identifiables, passent sous le radar en étant pourtant plus coûteuses.

Mais souvent, les perceptions sont justifiées et reflètent la peur d'être parmi les perdants des réformes. Il est essentiel d'en tenir compte. Une réforme peut difficilement réussir sans le soutien de la société civile.

Il serait trop long de présenter ici nos réponses à chacun des trois défis. Nous le ferons juste sur les inégalités. Le concept d'inégalités couvre de nombreuses dimensions autres que le revenu et la richesse : inégalités régionales, inégalités des chances, mobilité sociale limitée, etc. Sur la base d'enquêtes, il nous a paru que le problème essentiel aux yeux des Français est l'inégalité des chances, l'inégalité d'accès à des emplois de qualité (l'expression anglaise « good jobs » est plus parlante), la mobilité sociale limitée.

La deuxième étape était de définir une stratégie. On peut et on doit s'attaquer de trois manières aux inégalités.

Primo, réduire les inégalités au départ. Ceci a deux dimensions. D'abord, réduire les inégalités en termes de capital humain et d'éducation. Beaucoup a déjà été fait (REP, dédoublement des classes), mais il faut faire plus.

Ensuite, réduire les inégalités en matière de capital financier. Certains partent dans la vie avec un capital important, d'autres avec rien. Nous pensons qu'il faut utiliser, en le repensant,l'impôt sur les successions. L'imposition des successions, au-delà d'un seuil préservant les petits héritages, et l'affectation explicite des revenus à l'aide aux jeunes défavorisés, paraît être une piste importante à explorer, en basant l'impôt sur le bénéficiaire et en éliminant les échappatoires.

Secundo, réduire les inégalités à l'arrivée, en combinant des impôts progressifs, un revenu minimum et des transferts pour protéger les plus pauvres. Le niveau de cette redistribution est déjà très élevé en France. Il semble cependant qu'on peut en améliorer l'efficacité. En particulier, les progrès technologiques en matière de contrôle, et le soutien croissant des pays avancés à taxer le capital où qu'il se trouve, peuvent conduire à une imposition du capital plus juste.

Nouvelles incitations

Tertio, s'attaquer à la source des évolutions, le processus de production lui-même. L'approche traditionnelle ici a été de considérer la technologie et l'organisation des entreprises comme données, et de former les travailleurs aux emplois existants.

L'éducation et la formation professionnelle au cours de la vie sont bien sûr essentielles, et la réforme de la formation professionnelle en cours paraît fondamentale. Mais nous pensons qu'il faut aller plus loin. L'organisation interne des entreprises et l'investissement en matière d'automation répondent tous deux aux incitations, comme les prix du capital et du travail ou les contrats de travail (bonus-malus).

Peut-on donner plus d'incitations aux entreprises pour qu'elles offrent à leurs employés des profils de carrière plus satisfaisants ? Peut-on subventionner la recherche visant des avancées technologiques qui améliorent plus qu'elles ne remplacent les emplois existants ? Ces pistes doivent être explorées bien plus qu'elles ne l'ont été jusqu'à maintenant.

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