C'est quand tout va mieux que le plus dur commence. C'est quand l'économie repart que se brise l'unité nationale, et renaissent les bons vieux conflits sur le rôle que l'Etat doit jouer - ou pas - dans l'économie. La question agite les quatre coins de la planète, de New York à Berlin en passant par Londres, Paris et Tokyo. Partout, l'on cherche comment sortir le plus intelligemment possible du « quoi qu'il en coûte », sans casser la reprise ni braquer les populations. Partout, on espère que les entreprises et les salariés retrouveront rapidement la capacité de vivre sans perfusion, grâce à la reprise massive de l'activité.
Cette sortie du « quoi qu'il en coûte » est périlleuse. Elle est trop lente pour certains, qui pointent la difficulté des entreprises à recruter, mais trop rapide pour d'autres. A défaut de réconcilier les deux camps, le meilleur moyen de dépassionner le débat est d'y apporter un peu d'objectivité. Comme en Israël, qui module les aides sociales en fonction de la situation économique réelle, et d'indicateurs chiffrés connus de tous. Si l'emploi va mal, les aides sont généreuses. Dès qu'il s'améliore, elles sont rabotées. Chaque demandeur d'emploi sait qu'au moment où le taux de chômage passera sous la barre des 10 %, ses allocations seront réduites de 10 %. A 7,5 % de chômage, les aides anti-crise seront supprimées.
Le dispositif a l'avantage de ne prendre personne en traître. Il est particulièrement adapté au régime d'assurance-chômage qui est capable de dépenser beaucoup quand l'emploi va mal, et de se « refaire » rapidement ensuite. Il est ainsi quatre fois plus sensible à la conjoncture que l'assurance-maladie et l'assurance-vieillesse, relevait la Cour des comptes récemment.
Un tel pragmatisme est toutefois difficilement envisageable en France. Il semble d'autant moins concevable que le gouvernement a fait le choix de n'imposer aucune formation aux travailleurs placés en chômage partiel - contrairement aux Pays-Bas et aux pays nordiques -, ce qui les prépare mal aux changements organisationnels en cours. Il leur a offert des plafonds d'indemnisation généreux, quatre fois supérieurs à l'Italie et l'Espagne, ce qui rend le retour au travail parfois plus difficile qu'ailleurs. Ces choix - la faiblesse de la formation et la générosité des aides - nous distinguent depuis des années de nos voisins européens. Ils risquent de compromettre notre capacité d'adaptation au monde d'après, encore plus que les autres.
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