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Photo du rédacteurThierry Bardy

Gafam : pas tous les mêmes


Emmanuel Combe


La disparité de performance entre Apple et Facebook invite à s'interroger sur l'usage de termes englobants comme « Gafam » ou « géants du numérique ».

Apple qui rit, Facebook qui pleure : les résultats trimestriels de la firme à la pomme se sont révélés solides quand, au même moment, Facebook annonçait une division par deux de son bénéfice net. Une telle disparité de performance invite à s'interroger sur l'usage de termes englobants comme « Gafam » ou « géants du numérique ». En effet, si ces entreprises partagent d'évidentes similitudes, elles se différencient par la nature et l'ampleur des barrières à l'entrée, qui constituent un déterminant essentiel de la rentabilité à long terme.

En premier lieu, tous les géants du numérique n'ont pas la même empreinte sectorielle. Certaines comme Google ou Apple ont créé de véritables écosystèmes, mêlant à la fois hardware, système d'exploitation et applications, qui répondent aux multiples besoins d'un utilisateur. Ce dernier, une fois qu'il a choisi son univers, a une forte incitation à y rester. La barrière à franchir pour un nouvel entrant est donc considérable.

A l'inverse, des plateformes comme Netflix, Facebook ou Spotify sont essentiellement centrées sur une activité, ce qui diminue les coûts de transfert pour un client qui voudrait en changer.

En deuxième lieu, les possibilités de différenciation des produits ne sont pas les mêmes. Dans le cas d'une entreprise comme Uber, le besoin à satisfaire est assez homogène : se déplacer en VTC. Le prix et la disponibilité vont être des facteurs clés du choix des clients. Il est donc difficile pour un nouvel entrant de trouver un nouveau levier de différenciation.

A l'inverse, dans le cas des réseaux sociaux, les préférences des consommateurs, notamment en fonction de leur âge, peuvent être très différentes ou évoluer au cours du temps. Un nouvel entrant a donc plus de chances de réussir s'il lance une application différente, à l'image de Tik Tok. Même chose pour la SVoD : le catalogue des films de Disney ne répond pas aux mêmes goûts que celui de Netflix.

En troisième lieu, les effets de réseau n'ont pas la même force. Dans le cas d'Uber ou de Booking, ils sont puissants parce que croisés : un utilisateur télécharge l'application de VTC ou de réservation d'hôtels car, sur l'autre face du marché, il sait qu'il y a beaucoup de chauffeurs ou d'hôtels. Symétriquement, les chauffeurs et les hôteliers utilisent ces plateformes parce qu'ils anticipent que les clients y sont nombreux. La barrière à l'entrée pour un nouvel entrant est donc élevée car il doit la franchir des deux côtés du marché.

En quatrième lieu, les économies d'expérience peuvent jouer un rôle important sur certains marchés. Par exemple, dans le cas d'Amazon, le fait de vendre des produits depuis longtemps lui permet de minimiser le risque de rupture de stock. De même, la performance du moteur de recherche Google provient aussi de l'intensité et l'ancienneté de son usage. Un nouvel entrant ne bénéficiera pas d'un tel avantage.

Ces différentes barrières ne sont toutefois jamais complètement infranchissables, notamment pour des acteurs puissants et déjà présents sur des marchés connexes. Ainsi, dans le cas de la vidéo à la demande, Netflix doit affronter l'arrivée de Disney ou de HBO, deux géants qui ont lancé leur propre « tuyau numérique » mais qui disposaient déjà d'un catalogue de films et de séries très large et renommé. De même, sur le marché de la publicité digitale, un nouvel entrant s'est invité, aux côtés de Google et Facebook : Amazon, dont le moteur de recherche spécialisé sur l'acte d'achat est devenu très attractif pour les annonceurs. Un Gafam est entré sur le marché… d'autres Gafam.

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