Laurence Boisseau
La commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a voté, lundi, un texte qui apporte des changements aux règles proposées par Bruxelles pour encadrer les activités de notation ESG.
C'est la dernière brique au cadre réglementaire que la Commission européenne met en place autour de la finance durable pour lutter contre le green-washing et favoriser les investissements dans des activitésalignées avec la transition écologique. Après les législations SFDR, taxonomie et CSRD, c'est désormais au texte sur les agences de notation ESG (Environnement, Social et Gouvernance) d'être discuté. Fin juin, Bruxelles avait proposé une réforme assez radicale pour ce secteur resté jusqu'alors sans véritable contrôle, qui sera désormais supervisé par l'Esma, le gendarme des marchés. Le texte sera scruté de près à l'international car l'Union européenne est la première région du monde à encadrer ce secteur.
Lundi soir, la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a arrêté sa position sur le projet de règlement. Elle a gardé la mesure phare proposée par la Commission européenne en juin dernier en l'état : les entreprises combinant des activités de notation ESG avec d'autres services financiers (conseil, émission et vente de notations de crédit, développement d'indices de référence…) doivent séparer leurs activités, pour éviter les conflits d'intérêts. Et ce même si les discussions à venir avec le Conseil de l'Union européenne risquent d'être tendues. Ce dernier a en effet proposé que les activités puissent éviter la scission si l'entité garantissait que chaque business agissait de manière autonome. Le texte de la Commission européenne prévoyait aussi que les agences dévoilent en détail leurs méthodologies et indiquent publiquement les sources de leurs données. La commission des affaires économiques et monétaires va plus loin et demande la prise en compte de façon séparée des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
« Une note moyenne qui faisait la synthèse des trois critères aurait été une erreur majeure : c'est comme additionner des choux et des carottes ! Une moyenne, c'est ce qui permet à des entreprises du secteur pétrolier d'être bien notées par exemple, en étant bonnes sur les critères sociaux ou de gouvernance… mais cela revient à mettre sous le tapis les conséquences environnementales énormes de leur activité ! » a expliqué Aurore Lalucq, l'eurodéputée rapporteure du texte.
Mêmes contraintes pour les pays tiers
Autre point d'amélioration, le Parlement tient à ce que les agences de notation ESG qui officient dans des pays tiers soient soumises aux mêmes contraintes, sur la transparence comme sur la gestion des conflits d'intérêts, afin de lutter contre la concurrence déloyale.
Pour encourager la concurrence entre les fournisseurs de notation ESG et favoriser un environnement permettant aux petits fournisseurs de notation d'entrer sur le marché, une entité cherchant à obtenir plus d'une notation ESG devra choisir au moins un fournisseur de notation ESG dont la part de marché est inférieure à 15 %.
Le rapport adopté lundi à la quasi-unanimité prévoit des dispositions visant à divulguer si la note attribuée tient compte à la fois du risque financier important pour l'entité notée et de l'impact de cette dernière sur l'environnement (on parle de double matérialité), ou si elle ne prend en compte qu'un seul de ces éléments. La commission juridique du Parlement aurait voulu que l'Esma octroie la licence aux seules agences de notation ESG qui s'engagent à faire des analyses de double matérialité.
En France, les gestionnaires d'actifs regretteront sans doute que lesfournisseurs de données ESG échappent à ces nouvelles règles, la commission des affaires économiques et monétaires se bornant à recommander d'examiner l'opportunité de réguler cette profession dans trois ans.
Le Parlement devrait voter ce texte en séance plénière en février, et les négociations en trilogue devraient débuter dans la foulée pour que le règlement ait des chances d'être adopté sous la présidence belge de l'UE, au premier semestre 2024.
Comments