Guillaume Bregeras
Face aux enjeux climatiques et sociaux, la pression populaire et étatique, les fonds musclent leur stratégie d'investissement. Les start-up américaines et européennes concernées ont levé 14,7 milliards de dollars en 2020.
Sur la nécessité d'agir en priorité pour la transition énergétique, le débat est clos pour les acteurs de la tech. Mieux, ils semblent enfin avoir pris la mesure des enjeux du changement climatique et de ses impacts sociaux et économiques, et soutiennent le début de ce qui devrait être une lame de fonds. Selon GP Bullhound, qui a mené une étude sur l'activité financière des pépites tech européennes et américaines, 14,7 milliards de dollars ont été levés en 2020, contre 9,7 et 9 milliards respectivement en 2018 et 2019.
« Cette soudaine évolution est largement soutenue par la demande des citoyens, assure Guillaume Bonneton, associé de GP Bullhound. Et c'est une bonne nouvelle car cela entraîne tous les autres acteurs à avancer dans ce sens. »
Autre signal : la volonté des argentiers à miser de plus en plus sur les acteurs tech de l'économie qui prennent en compte au moins une des notions d'impact (environnement ou sociétal principalement). Les levées de fonds enregistrées en 'late stage' sur ce créneau, c'est-à-dire principalement celles au-delà de 100 millions de dollars, forment désormais la majorité des opérations (62 % en 2020 contre 50 % en 2019 et 48 % en 2018).
Pas d'« impact washing »
Pour l'associé de GP Bullhound, ce mouvement s'apparente à la structuration d'une démarche qui devient incontournable : « Nous ne sommes plus dans une période de 'washing' qui visait pour les entreprises à tromper leurs actionnaires. Un langage commun se met petit à petit en place et les régulateurs, comme les Etats, commencent à exiger la mise en place d'indicateurs extra-financiers précis. Tout ça me porte à croire que nous sommes à l'aube du moment où l'action sur ce sujet est réelle. »
Une dimension qui se traduit aussi logiquement dans l'augmentation significative du ticket moyen des levées effectuées par les jeunes pousses du secteur. Entre 2017 et 2020, il est ainsi passé de 8,9 à 22,2 millions de dollars. Les effets d'échelle sont en revanche différents d'un secteur à l'autre. Avec certaines verticales qui ont bénéficié d'un sérieux coup de pouce, à l'image des pépites évoluant sur la réduction de la consommation énergétique (croissance de 100 % entre 2017 et 2020). D'autres semblent plus à la peine pour débloquer les verrous des investisseurs, à l'image des solutions directement liées à la transition énergétique, dont les levées n'ont enregistré qu'une hausse de 8 % sur la même période.
Des champions français
Si l'on regarde ce panorama sous l'angle des grands découpages technologiques, il n'est pas étonnant de voir le logiciel (6,72 milliards de dollars en 2020) et la place de marché (3,8 milliards) comme principaux moteurs. Cette tendance suit celle du marché « traditionnel » du capital-risque européen et américain. En revanche, il est intéressant de noter la place prépondérante des fintechs dont le rôle est clé pour impulser des changements d'échelle. Les pépites à impact du secteur ont ainsi attiré 1,33 milliard de dollars en 2020, signant avec +30 % l'une des plus belles progressions sur les trois dernières années.
Le rôle de la France dans cette dynamique semble en revanche se cantonner à la création de start-up, à travers la croissance de champions comme BackMarket, Ecovadis ou Vestiaire Collective. Côté fonds d'investissement, aucune trace d'une entité tricolore parmi les dix plus actifs en amorçage sur les deux continents (Accel domine avec 100 investissements), tandis que seul Partech parvient à se hisser au 10e rang du classement des fonds « late stage ». Une disparité urgente à atténuer et que de nouveaux fonds d'investissement dédiés, comme Founders Future ou 2050 veulent combler rapidement.
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