Muriel Jasor
stratégieOn assiste à un tournant dans la perception du rôle et de la place à tenir par l'entreprise. Cette situation va-t-elle durer ? Hier, une période charnière s'est ouverte, qui doit mettre en pratique les enseignements tirés de la crise et permettre d'en sortir par le haut.
Pour les dirigeants et les managers, c'est un rendez-vous à ne pas rater. Le 9 juin - qui a sonné la fin du télétravail généralisé et le retour progressif au bureau - a ouvert une période charnière puisqu'il va s'agir de mettre en pratique les enseignements tirés de la crise sanitaire et économique - qui perdure - et surtout d'en sortir par le haut. Obtenu en exclusivité par « Les Echos », un livre blanc FreeThinking et Viavoice, à l'initiative du cabinet d'audit et de conseil Mazars, regorge de données éclairantes pour la période qui s'ouvre.
La pandémie a sensiblement modifié le regard, pas toujours amène, que portaient les Français sur les entreprises. Ces dernières ont en grande partie su les épauler et les soutenir, alors qu'ils étaient rudement mis à l'épreuve, et renouveler leur relation avec eux, à tel point que 81 % des personnes sondées jugent aujourd'hui que « la crise a donné à l'entreprise un nouvel horizon ». Plus qu'un agent économique, elle est devenue, à leurs yeux, « un acteur de société ». Son image est toutefois très fragmentée, confirme une dernière étude de l'Institut de l'entreprise, en partenariat avec Deloitte, Klesia et Veolia. Car, elle reste structurée par une dichotomie observée entre « des TPE et PME idéalisées » et de grandes entreprises, souvent perçues comme éloignées des citoyens, des territoires et centrées sur leurs seuls intérêts.
Attentes contradictoires
« Le monde post-Covid sera différent, il aura besoin de sens, hâtera la transition vers une planète plus propre, économe et verte, et exigera plus de flexibilité et de diversité au sein de nos organisations. Le rôle de l'entreprise a été essentiel pendant cette crise. Il le sera encore davantage, à partir de maintenant, pour apporter des réponses concrètes sur ces trois dimensions » , reconnaît Thierry Le Hénaff, PDG d'Arkema.
Les attentes à l'égard des entreprises sont nombreuses et contradictoires : profit et intérêt général, rentabilité et responsabilité, progrès technologique et cause environnementale, compétitivité internationale et promotion des savoir-faire locaux… Sans compter les exigences en matière de télétravail raisonné, de qualité de vie au travail, d'inclusion, de formation continue, de parité et d'enjeux éthiques et économiques. Si plus d'un tiers (36 %) des Français déclarent faire confiance aux entreprises et croire en leurs promesses, nous apprend le livre blanc, 57 % des sondés - bien que conscients des efforts réalisés par ces organisations depuis un an de crise - ne leur donnent pas pour autant quitus pour l'avenir. Les entreprises sont désormais mises au défi de la sincérité et des actions concrètes et tangibles. « C'est le début d'une nouvelle ère culturelle qui sonne la fin du présentéisme pour le présentéisme et ouvre la voie à la flexibilité, au bien-être et à l'efficacité. Il s'agit d'être sincère, de ne pas revenir aux pratiques d'avant et de continuer à apprendre de la crise », prévient Olivier Lenel, directeur général de Mazars en France.
Relation porteuse
L'organisation du travail et la culture managériale sont les deux notions que l'entreprise doit faire évoluer en premier, devant une meilleure répartition de la valeur créée, relève le livre blanc. Cela passera par de nouvelles expériences de travail, basées sur la confiance mutuelle ainsi que « davantage de collaboratif » et adaptées aux besoins des collaborateurs en matière de télétravail, d'écoute, d'attention et de protection. Il va donc falloir mobiliser les uns et les autres tout au long de la chaîne hiérarchique.
Les dirigeants et managers vont devoir apprendre à faire preuve de moins de verticalité sans se départir de leur autorité. Quant aux collaborateurs, dotés de plus de flexibilité et d'autonomie, ils vont de leur côté mieux intégrer leur part de responsabilité. Et chaque organisation, selon sa sensibilité, déplacera son curseur pour se rendre plus inclusive. «L'erreur serait de se limiter à une négociation rapide et simple sur le nombre de jours autorisés de télétravail. Il nous faut être plus ambitieux et nous ouvrir à un vrai projet d'entreprise, qui s'appuiera sur une réflexion profonde sur l'organisation du travail », estime Thierry Le Hénaff. Les organisations comprennent que leur productivité passera désormais par la formation et le bien-être des collaborateurs de toutes générations. Et surtout qu'il va leur falloir redéfinir « la nature même de la relation d'emploi », comme les y invite la consultante RH Marie-Pierre Fleury, fondatrice de Canden, afin d'optimiser une relation porteuse avec les salariés.
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