Renaud Honoré Pour faciliter la transition climatique, le Conseil national de la productivité préconise une « contribution carbone » sur les produits de grande consommation en fonction de leur bilan environnemental. Taxe carbone aux frontières, réforme du marché des quotas carbone, verdissement des réglementations et interdiction de certains produits polluants comme les voitures thermiques à l'horizon 2035… Depuis des mois, l'Europe empile les dispositifs censés faciliter la transition climatique. Faut-il, en plus, davantage impliquer le consommateur ? C'est l'avis du Conseil national de la productivité (CNP), qui propose dans un rapport publié lundi de mettre en place une taxe sur les produits finis en fonction de leur bilan carbone, présentée comme ayant « le meilleur potentiel pour une transition écologique juste, rapide et efficace sans dégrader le pouvoir d'achat, l'emploi, la compétitivité, l'attractivité, la croissance potentielle et les finances publiques ». « Nous avons besoin de mobiliser le consommateur final pour accompagner la trajectoire nous menant vers le 'zéro émission' », justifie Natacha Valla, présidente du CNP. Productivité du travail en baisse Cette proposition s'inscrit dans le cadre plus large du quatrième rapport annuel de cette institution publique créée en 2018, et chargée de « conseiller le gouvernement sur les politiques liées à la productivité et à la compétitivité ». Dans ses deux premiers chapitres, le document pointe justement deux phénomènes pesant sur la productivité française. Le premier est récent et analyse les effets de la crise du Covid et des tensions énergétiques. Partout la productivité du travail a ralenti, mais c'est particulièrement marqué en France du fait de facteurs structurels (base industrielle moins forte, qualité de la formation) et conjoncturels (essor de l'apprentissage qui pèse à court terme, impact du télétravail). Le second phénomène s'analyse sur une plus longue période et s'intéresse aux conséquences de l'optimisation fiscale et des délocalisations de certaines activités des multinationales. « Cela entraîne une baisse non de l'activité réelle mais de la mesure de l'activité et donc de la productivité dans le pays d'origine. » En France, entre 1997 et 2015, cela a représenté une perte de 5,7 % du taux de croissance annuel de la productivité du travail au niveau agrégé. Mais la partie la plus dense du rapport concerne un troisième point, l'impact sur la productivité et la compétitivité de l'action pour le climat. « Il est fort probable que la profitabilité des entreprises françaises et européennes et leur compétitivité seront dégradées dans une première phase », est-il écrit. A plus long terme, les investissements réalisés pour atteindre la neutralité carbone en 2050 pourraient dynamiser les entreprises, « à condition cependant que la base productive ne se soit pas trop dégradée dans la première phase de perte de compétitivité ». Comment éviter cette impasse ? Le rapport passe en revue tout l'arsenal de politiques publiques lancées, de la subvention (particulièrement prisée aux Etats-Unis) à la taxe carbone aux frontières voulue par l'Union européenne. Mais c'est une autre solution, pas encore appliquée, que le document pousse : une « contribution carbone sur les produits de grande consommation finale ». Cela « permettrait de taxer les émissions de l'ensemble de la chaîne de production sans pénaliser les productions locales puisque les biens et services importés y seraient soumis ». Le CNP prend bien soin d'essayer de déminer le volet le plus sensible politiquement d'une telle initiative, celui de l'impact social. Il est vrai que personne n'a oublié la crise des « gilets jaunes » provoquée entre autres par la taxe carbone sur les carburants. Ces derniers seraient justement exonérés de cette contribution, de même que le fioul. Diminution des cotisations salariales Surtout, pour ne pas pénaliser le pouvoir d'achat, les auteurs préconisent une baisse des prélèvements obligatoires en parallèle à cette contribution. Elle pourrait prendre la forme d'une baisse des cotisations salariales, avec une prime verte pour les bas revenus qui en payent peu ou pour ceux qui n'en payent pas du tout (retraités, RSA, etc.). Les revenus des placements financiers pourraient ne pas être compensés, pour renforcer le caractère redistributif de la mesure. Le rapport évoque aussi la possibilité de revoir le niveau de la TVA pour amortir le choc. En pleine période d'inflation, « le but n'est pas du tout d'augmenter le niveau moyen des prix à la consommation. La vraie logique est d'altérer les prix relatifs des biens de consommation finaux en fonction de l'empreinte carbone », souligne Natacha Valla. Etiquetage carbone Cette dernière estime qu'on n'est pas « encore en position de faire l'étiquetage carbone de ces produits, mais on s'y achemine à grand pas ». Les premiers produits concernés pourraient alors être les textiles, l'agroalimentaire, les cosmétiques, les automobiles, les produits électroniques et électroménagers ou encore les billets d'avion. A chacun, on appliquerait une taxe en fonction du bilan carbone - par exemple un taux moyen de 6,8 % dans le cas où l'on valoriserait la tonne carbone à 100 euros. « 5 % des produits auraient une taxe supérieure à 18 % » dans ce cas de figure (27 % pour une tonne valorisée à 150 euros). Avec cette mesure, le CNP espère pouvoir orienter le choix des consommateurs vers la décarbonation, « tout en contribuant positivement à la compétitivité et l'attractivité ». Dans le cas de l'agroalimentaire, une réduction des émissions de CO2 de 19 % pourrait être atteinte avec une taxe à 4,8 %, calculent les auteurs. Cette « contribution carbone » pourrait au final « contribuer à plus de la moitié de l'objectif de la planification écologique de baisse de 138 millions de tonnes de CO2 pour la France ».
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