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Photo du rédacteurThierry Bardy

« la télévision se réinvente »

Dernière mise à jour : il y a 3 jours

A l'heure où les acteurs de la télévision créent un nouveau lobby pour défendre leurs intérêts face à Netflix, le patron du groupe M6, David Larramendy, partage son analyse sur le paysage audiovisuel et les tendances du marché publicitaire.

Pour David Larramendy, président du directoire du groupe M6, « défendre la diffusion française, c'est défendre la démocratie ». (Ade Adjou/M6)


Alors que la concurrence de YouTube et consorts se fait de plus en plus pressante, David Larramendy, président du directoire de M6, dresse un premier bilan du lancement de sa nouvelle plateforme M6 + et livre son analyse sur le paysage audiovisuel français. Comment lutter contre les géants mondiaux quand on est un acteur national ? Une consolidation est-elle encore possible ? Que faut-il changer dans la réglementation ? Comment continuer à financer une information de qualité ? Quid de l'intelligence artificielle ? Les défis sont tels que diffuseurs, producteurs et auteurs ont décidé de se rassembler pour créer un nouveau lobby défendant leurs intérêts. David Larramendy confie son point de vue.

Où en est la digitalisation de la télévision française ?


La télévision est d'ores et déjà digitale et la convergence des acteurs traditionnels et des plateformes est aujourd'hui une réalité. Chez M6, quand nous concevons un programme, nous réfléchissons à la fois aux audiences linéaires et digitales. Pour la première fois, un programme diffusé en prime time, à savoir « Pékin Express », fait davantage d'audience sur M6 + qu'en linéaire. De l'autre côté du spectre, les plateformes nées sur le digital reprennent peu à peu tous les codes de la télévision linéaire - programmation à heure fixe, programmes de flux, etc.


Nous avons basculé dans une concurrence totale : des achats de contenus à la publicité en passant par la technologie ou les droits sportifs, nous sommes tous, diffuseurs nationaux comme plateformes étrangères, en concurrence frontale. C'est notre réalité.

Comment se traduit ce remodelage de l'audience sur votre chiffre d'affaires ?

Depuis son lancement il y a 6 mois, M6 + connaît une croissance de ses audiences et de son chiffre d'affaires d'environ 35 %. En 2023, 7 % des revenus publicitaires provenaient du digital. Ce chiffre passera cette année la barre des 10 %. L'objectif est fixé à 20 % pour 2028… mais on pourrait l'atteindre avec un an d'avance.

Faut-il conclure que la télévision linéaire n'a pas dit son dernier mot ?

La télévision linéaire est bien vivante ! Elle se réinvente. Elle reste par exemple très importante pour le sport et l'information. Et ce sont nos programmes de prime time qui réalisent les meilleures audiences sur notre plateforme M6 +.

Les grandes plateformes étrangères amortissent leurs coûts à l'échelle mondiale. Comment fait-on pour lutter quand on est un acteur national ?

Elles ont des moyens colossaux bien entendu, mais de notre côté, nous avons un savoir-faire unique et une connaissance très fine de notre public. Pour continuer d'investir dans l'information comme la création, nous avons besoin d'économies d'échelle sur le front des contenus comme de la technologie, ce que nous faisons avec l'appui du groupe RTL au niveau européen. Mais il est aussi urgent de faire évoluer la réglementation.

Une consolidation des diffuseurs est-elle encore possible ?

L'échec de la fusion entre TF1 et M6 a montré que la consolidation du marché n'est pas possible aujourd'hui. Mais la transformation profonde de notre écosystème montre qu'elle reste souhaitable.

Mais que faut-il changer dans la réglementation ?

La France a, depuis longtemps, mis en place une réglementation qui favorise la création française et c'est une bonne chose. Il faut maintenant la compléter par une réglementation qui permette de renforcer les diffuseurs tricolores. Car pour l'heure, face aux plateformes, les diffuseurs traditionnels avancent avec des boulets au pied dans tous les domaines.


On souffre d'une asymétrie publicitaire, de problématiques fiscales et d'un cadre de chronologie des médias qui, lors de sa dernière révision en 2022, a évolué de manière favorable pour tous les diffuseurs… sauf pour les chaînes gratuites ! Tous les acteurs de la SVOD, y compris ceux qui n'avaient pas d'accord avec le cinéma, sont passés devant nous.

J'ajoute que nous avons aussi perdu les fenêtres dites protégées, celles qui nous permettaient que les films que nous diffusions en clair ne soient pas en même temps disponibles sur les plateformes. On marche sur la tête.

Quel changement serait le plus urgent ?

Le plus rapide serait de changer la régulation sur la publicité. Actuellement, les chaînes de télévision n'ont, par exemple, pas le droit de faire de publicité pour les opérations de promotion de la grande distribution, une décision prise à l'origine pour préserver la presse quotidienne régionale. Mais dans les faits, ces investissements publicitaires sont partis sur Google, YouTube et les réseaux sociaux. En résumé, cette régulation ne protège de rien et nous empêche simplement de profiter de ce marché.

Et pourquoi serait-il important de vous défendre ?

Parce que les diffuseurs nationaux jouent un double rôle clé dans notre société. D'abord parce qu'ils sont indispensables au financement de la création française. Ensuite parce qu'ils occupent une place centrale dans l'information de nos concitoyens.

Sur ce terrain crucial, M6 et RTL partagent un ADN commun : l'objectivité de l'information, une information populaire sans être populiste. La matinale de RTL est écoutée par plus de 3 millions de personnes. Sur M6, nos magazines d'information réunissent eux aussi des millions de téléspectateurs et font bouger des lignes sur des sujets d'actualité ou de société : il suffit de voir nos derniers Zone Interdite sur les scandales de l'aide à l'enfance ou sur les moyens d'accueil pour les enfants handicapés.

Je n'ai pas du tout la même lecture que vous des audiences : la chaîne M6 est en forme et la réussite de nos programmes depuis la rentrée le montre.

Pour financer cette information, nous avons besoin de moyens. Sinon le champ sera laissé libre à ceux qui manipulent l'information de manière de plus en plus sophistiquée. Regardez la dernière campagne présidentielle américaine. Plus de 1.200 faux journaux ont poussé sur le Web. Dans ces publications, tout est faux, du support jusqu'aux informations qu'ils diffusent.Les fake news se sont industrialisées de manière incroyable. Préserver la vraie information, celle faite par des rédactions qui vérifient leurs sources, pas celle des manipulations algorithmiques à grande échelle, est donc un enjeu primordial pour la bonne santé d'une démocratie française qui, comme ailleurs, voit monter la polarisation, la violence, les fake news et l'irrationalité. Défendre la diffusion française, c'est défendre la démocratie.

Vous avez le sentiment que rien n'est fait pour vous soutenir ?

Je n'irais pas jusque-là. L'Arcom, le régulateur du secteur, a par exemple décidé d'imposer que les chaînes de la TNT soient mises en avant sur les téléviseurs connectés. Il s'agit d'une volonté ferme, affichée, d'aider les diffuseurs français.


Mais il faudrait qu'une fois la décision prise, elle puisse être rapidement mise en oeuvre. Et il faudrait aussi que d'autres initiatives de ce type soient prises au niveau européen où encore beaucoup trop de règles favorisent les géants mondiaux au détriment des diffuseurs nationaux.

Est-ce que l'audiovisuel public constitue pour vous une asymétrie de plus ?

L'audiovisuel public a un rôle particulier à jouer dans notre écosystème et le joue bien actuellement sous la présidence de Delphine Ernotte. Vu la pression sur la ressource publicitaire linéaire, je crois qu'il faudra néanmoins pouvoir, dans le futur, remettre sur la table sans tabou la pertinence de la publicité dans le financement de l'audiovisuel public.

L'Arcom prévoit la décroissance du marché publicitaire pour les diffuseurs traditionnels autour de 2026-2027. Du côté de M6, les échéances sont-elles les mêmes ?

Je ne crois pas au déclin du marché publicitaire. Nous avons un regard plus optimiste car nous considérons le marché publicitaire dans son ensemble. Et il devrait rester stable avec une forte augmentation des recettes digitales qui compense la pression sur les recettes publicitaires linéaires.

Est-ce que le déclin du média radio n'est pas en train de s'accélérer ?

Je ne suis pas du tout d'accord ! Les matinales de RTL rassemblent près de deux fois plus de Français que l'ensemble des chaînes d'information réunies à leur pic d'audience. Et la radio est le média dans lequel les Français ont le plus confiance.


Comme la télévision, la radio se digitalise et est un média en pleine réinvention. L'audio, notamment via les podcasts, est un espace d'expression formidable. Et les podcasts les plus populaires en France sont, de très loin, ceux produits par les grandes radios. Cet écosystème est en pleine mutation mais a devant lui de très belles années. Et dans l'audio comme dans la vidéo, la croissance des revenus publicitaires numériques va se poursuivre sans déperdition. Le déclin de la radio n'est pas une réalité.

M6 a ravi à TF1 la diffusion de la Coupe du monde de football à partir de 2026. N'avez-vous pas pris un gros risque financier ?

Chez M6, nous n'avons pas l'habitude de nous lancer dans des projets dispendieux. Par exemple, cette année, nous n'avons pas perdu de l'argent sur la diffusion de l'Euro [codiffusé avec TF1, NDLR]. Pour les chaînes, disposer de grands événements sportifs très fédérateurs en direct reste une force.

Cela représente certes des investissements significatifs mais l'équation économique de la diffusion de grands événements sportifs s'est rééquilibrée. Sans compter qu'il y a aussi un effet d'halo positif sur l'image de la chaîne et qu'en cas d'événement majeur, le diffuseur qui passe à côté perd aussi des recettes publicitaires.

Le déclin de l'audience de M6 n'est-il pas préoccupant ?

Je n'ai pas du tout la même lecture que vous des audiences : la chaîne M6 est en forme et la réussite de nos programmes depuis la rentrée le montre. Vous le savez, par sa structure d'audience et sa culture d'innovation, M6 est une exception dans le paysage audiovisuel français. Avec un âge moyen de 52 ans, c'est la seule grande chaîne française dont le profil d'âge des téléspectateurs réplique celui de la population française quand celui des autres est beaucoup plus âgé.

Au-delà de la diffusion des JO qui va rendre moins pertinents les comparatifs d'audience cette année, l'indicateur général des audiences est biaisé par la surconsommation du média télévision par les plus âgés de nos concitoyens. Le bon indicateur pour nous, chaîne commerciale, est celui des 25-49 ans, cible d'achat principale de nos annonceurs. Et nous retrouvons sur cet indicateur des hauts niveaux depuis la rentrée.

Quant à notre culture d'innovation et de prise de risque, qui, à part nous, aurait osé mettre en prime time des entrepreneurs en face d'investisseurs (« Qui veut être mon associé ») ? Qui aurait osé mettre en prime time des adultes en train de jouer au Lego (« Lego Masters ») ? Qui aurait osé lancer un jeu appelé « Les Traîtres », tel succès que 3 ans après il inspire simultanément TF1, Canal+ et Netflix ?

L'IA est-elle une menace ou une opportunité pour un groupe comme le vôtre ?

C'est évidemment une opportunité ! Ces révolutions sont plus longues à s'installer que prévu au début, mais elles amènent des changements plus profonds. Pour nous y préparer, nous avons une vingtaine d'initiatives actuellement opérationnelles et nous continuons d'apprendre progressivement.Nous utilisons par exemple des outils comme le « voice-to-text » à la rédaction de RTL pour accélérer les processus de création des articles. Nous faisons des tests de voix de bande-annonce fabriquées par des intelligences artificielles qui nous permettent par exemple d'éviter de faire revenir un animateur au studio juste pour un enregistrement. Tout cela va s'amplifier. C'est la meilleure approche. Comme toute nouvelle technologie, l'IA créé des craintes mais on peut les surmonter en voyant que dans la pratique, ces outils apportent une aide à ceux et celles qui les utilisent.



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