P. B. et Cl. B.
Le confinement et la fermeture des magasins ont servi de déclic. Les grands magasins ont alors appelé leurs clients à utiliser en ligne et en direct les services de « personal shoppers ». Depuis, la relation à distance acheteurs et vendeurs s'est installée.
Le 12 octobre dernier à 20 h 30, plusieurs centaines de clientes de Monoprix assistaient en ligne à un direct que l'experte mode Flora Martinez et la chroniqueuse Mademoiselle Agnès animaient autour du cachemire. Il a été question de provenance, d'entretien, de prix et d'achat puisque le site marchand de l'enseigne relayait l'opération.
A l'heure des influenceuses qui multiplient les conseils et les vidéos sur les réseaux sociaux, le « live shopping » s'impose peu à peu comme une nouvelle norme pour la distribution. La fermeture de nombreux magasins pendant le confinement a servi de déclic. Selon le laboratoire d'études Altavia ShopperMind, un Français sur quatre connaît ce mode de vente basé sur des vidéos ou des émissions en direct. Pendant la crise du Covid-19, boulevard Haussmann, haut lieu des grands magasins de Paris, des dizaines d'employés, près de 200 au Printemps, ont poursuivi l'activité alors que les rideaux étaient tirés. Les clients français ou étrangers ont pu se mettre en relation, via le Net, avec un vendeur de l'enseigne ou le conseiller d'une marque qui a fait office d'acheteur personnel.
Une foire aux vins en direct
Pendant les 200 jours de fermeture, au Printemps, la vente à distance a sauvé 20 % des ventes. Aujourd'hui, la centaine de « personal shoppers » génère 10 % du chiffre d'affaires et la participation en ligne aux événements que le magasin organise peut tirer l'activité de 35 %.
Le service existe aussi pour les produits du quotidien. Avec l'application Ok Market!, Carrefour fait faire les courses de ses clients par les acheteurs qui font à leur place le tour des rayons, des fruits et légumes à la boucherie en passant par l'épicerie. La commande est faite au préalable, mais le client suit le remplissage de son chariot en direct sur son téléphone, comme on suit l'arrivée d'un Uber, et à tout moment - c'est systématique à la fin des courses - un coup de fil peut être donné afin de préciser son goût (un melon pour demain, un steak dans le filet, etc.) ou réparer un oubli. Le « personal shopper » d'Ok Market! peut aussi passer chez le caviste ou le fleuriste. En Roumanie, où le service s'appelle Bringo, Carrefour réalise 46 % de ses ventes d'e-commerce !
Au sein du groupe Casino, propriétaire de Monoprix, le shopping par l'image est un axe stratégique. Chez Monoprix, la foire aux vins de septembre a été l'occasion d'un « live » avec 1.300 acheteurs connectés. L'enseigne veut devenir l'acteur référent en la matière. Les prochains directs concerneront les cadeaux (23 novembre), et la cuisine de Noël (14 décembre). Les enseignes Casino proposeront leur premier « live shopping » le 26 novembre prochain à 13 heures, sur le thème de la maison.
Les Chinois précurseurs
La filiale Cdiscount multiplie les vidéos. Les marques s'emparent de la technique qui est aussi portée par Facebook. Le « live » de Moulinex,orchestré notamment par le chef Cyril Lignac, avec des influenceurs et des consommateurs, a été diffusé sur les réseaux sociaux, mais aussi sur les sites de Darty et de Boulanger. La présentation des robots Cookeo et Compagnon a été vue en direct par 300.000 personnes.
Les géants chinois de l'e-commerce sont des précurseurs. Pour la journée dite des célibataires du 11/11, le 11 novembre, Alibaba organise un grand show audiovisuel durant lequel les ventes fleurissent, jusqu'à plus de 500.000 commandes en une seconde ! Une forme de téléshopping puissance 10 qui se veut le pendant du Black Friday d'Amazon.
Pour l'édition 2021, Alibaba décline l'opération dans ses différents marchés. En France, AliExpress organise jeudi également la Nuit AliExpress, une soirée exclusive rassemblant le meilleur de la scène française hip-hop et électro (Bob Sinclar, Ofenbach, Soso Maness, Vladimir Cauchemar…). Le « live » réchauffe la froideur de l'e-commerce, remet de l'humain dans la machine numérique.
FNAC Darty, pour sa part, annonce ce mercredi la généralisation des « visio vendeurs » depuis ses magasins. D'autres appellent cela le « retailtainement », le mélange du commerce et du divertissement. FNAC Darty généralise la vente par visioconférence dans ses enseignes
Philippe Bertrand
Le groupe a formé 1.500 vendeurs au conseil à distance. Cette fonctionnalité est proposée aux clients qui cherchent un produit sur Fnac.com ou Darty.com.
En interne, à la FNAC et chez Darty, les employés des magasins parlent de « visio vendeur ». Mais Samuel Loiseau, directeur client, marketing et développement commercial du groupe rectifie : « Nous n'avons pas vraiment donné de nom à ce service. Nous voulons que les clients se l'approprient naturellement ». Des tests ont été menés depuis fin 2020 en Ile-de-France et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. La fonctionnalité se généralise aujourd'hui dans l'ensemble de la France.
Les sitesFnac.com et Darty.com lui servent d'accès. Quand un consommateur visite l'un des rayons virtuels de l'une des marques, une fenêtre lui propose une liaison en visioconférence avec un vendeur en magasin. La largeur du choix, la complexité de certains produits appellent un conseil. Dans les points de vente, la très grande majorité des ventes passent par un vendeur. « En généralisant et en pérennisant notre service sur le territoire français, nous apportons une réponse efficace à l'hyperchoix et l'hyperdoute que rencontrent les clients sur le Web », estime Samuel Loiseau.
« Le taux de transformation est deux à trois fois plus élevé que lors d'une simple consultation de nos sites », poursuit le dirigeant, pour lequel ce qui s'apparente à du « live shopping » (le vendeur peut montrer le produit qui se trouve en magasin) « va devenir un nouveau standard de la distribution ». « Les 'personal shoppers' seront le coup d'après », assure-t-il.
Bientôt le libraire
Le service n'existe que pour les rayons techniques. Il s'étendra aux produits éditoriaux. Le lecteur aura le conseil du libraire.
Pour l'heure, le vendeur en visio n'est pas celui du magasin à proximité. Au total, 1.500 collaborateurs ont été formés et offrent des créneaux pendant leur journée, de 10 heures à 19 heures. La conversation dure en moyenne huit minutes. Plus de 100.000 ont été menées pendant les tests. FNAC Darty table sur un chiffre de 5.000 par semaine dans un premier temps, puis de 10.000.
« Les vendeurs sont demandeurs, explique Samuel Loiseau. Ils se sont proposés pendant les fermetures des confinements et voulaient faire quelque chose pour la société et les clients. Ils retrouvent une place dans le schéma omnicanal alors que le digital aurait pu les effacer. Ils sont très fiers. La différence avec des conseillers réunis dans un centre d'appels c'est cette implication mais aussi le fait que les vendeurs en magasins sont confrontés tous les jours aux demandes et aux besoins des clients, aux nouveaux produits. Leur expertise se développe en permanence. »
Un intéressement prévu pour les « visio vendeurs »
D'une façon ou d'une autre, la FNAC et Darty réalisent environ 35 % de leurs ventes par le biais du numérique et une livraison sur deux est effectuée dans un magasin où c'est un vendeur, déjà, qui remet la commande et en profite pour une suggestion d'achat de complément. Les circuits s'entrecroisent et ne se distinguent pas plus que les consommateurs les différencient.
FNAC Darty est le seul groupe à proposer ce service à une grande échelle. Les grands magasins s'y sont mis pendant les confinements et poursuivent l'expérience. Mais aucune enseigne ne dispose encore d'un tel nombre de vendeurs prêts à une connexion. C'est un investissement en formation mais aussi en termes de rémunération. A la FNAC et chez Darty, les « visio vendeurs » seront intéressés en 2022 aux ventes réalisées sur le Net, comme ils le sont quand, en magasin, ces spécialistes commandent pour un client un article qui manque en rayon. La meilleure des motivations.
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