Nathalie Steiwer Correspondante à Berlin
La maison mère de Lidl, le groupe Schwarz, veut devenir un champion national du cloud en visant les PME allemandes.
L'homme qui a été élu « visionnaire de l'année 2023 » par le quotidien économique allemand « Handelsblatt » est justement très peu visible. Dieter Schwarz, qui a transformé Lidl en champion mondial du hard-discount, est un homme d'une extrême discrétion. Il n'existe presque aucune photo de lui.
Son nom est pourtant sur toutes les lèvres lorsqu'il est question d'innovation en Allemagne. Visionnaire, l'octogénaire a poussé à la création d'un centre européen pour l'intelligence artificielle dans sa ville natale de Heilbronn, au sud de l'Allemagne, dans lequel sa fondation Schwarz investit 2 milliards.
C'est aussi grâce à sa fondation qu'un nouveau campus destiné à former quelque 5.000 spécialistes informatiques d'ici à 2025 est en train de sortir de terre, à quelques kilomètres de Heilbronn. Un vivier dans lequel le groupe Schwarz compte se fournir pour devenir un champion national du cloud.
En suivant la même logique qui a poussé Amazon à louer, avec AWS, les capacités de stockages constituées pour ses activités d'e-commerce, la branche IT du groupe Schwarz commercialise sous le nom de « Stackit » les services de cloud créés au départ pour gérer les données de ses propres magasins Lidl. Avec ses 20.000 serveurs utilisés pour les 13.700 sites Lidl et Kaufland dans une trentaine de pays, le groupe Schwarz fournit déjà à Stackit une base solide. « Nous sommes notre client le plus critique, commente Christian Müller le coprésident de Schwarz Digits, la branche informatique du groupe. Ce n'est que lorsque les solutions informatiques pour notre propre infrastructure informatique fonctionnent de manière stable et créent une réelle valeur ajoutée que nous les proposons à l'extérieur. »
Les services de stockage en colocation et de plateforme « as a service » proposés depuis mars 2022 mettent l'accent sur un cloud « 100 % made in Germany », conforme aux normes européennes de cybersécurité et de protection des données. La marque Lidl elle-même, associée au commerce de détail, a été volontairement écartée mais « j'espère que nous aurons l'esprit discount » dans le sens de « l'agilité et de la rapidité qui peuvent séduire les responsables informatiques des PME », expliquait Gerd Chrzanowski, membre du directoire du groupe Schwarz, dans une interview au « Handelsblatt ».
Rassurer les PME allemandes
Le groupe Schwarz a déjà accéléré sa croissance externe par l'acquisition du spécialiste du développement Camao IDC puis de la start-up israélienne XM Cyber cofondée par un ex-directeur du Mossad et spécialiste de la cybersécurité. Avec cette dernière acquisition, « nous pouvons percevoir notre propre informatique à travers les yeux d'un agresseur potentiel et identifier les failles avant que quelqu'un d'autre ne le fasse », explique Christian Müller.
En mettant l'accent sur le stockage des données en Europe et la notoriété du groupe en Allemagne, Stackit espère convaincre les PME, le fameux Mittelstand allemand, et les services sociaux et sanitaires soumis à des normes de sécurités plus strictes. Selon un sondage publié par Bitkom, l'association des industries de l'informatique, les deux tiers des entreprises allemandes n'investissent pas davantage dans le cloud parce qu'elles craignent pour la sécurité de leurs données à l'étranger. Stackit se présente comme une alternative aux géants du cloud (les « hyperscalers ») asiatiques et américains.
De son côté le groupe Schwarz mise sur la diversification en investissant 8 milliards par an, sur un chiffre d'affaires de 154 milliards, dans « des projets stratégique et d'avenir, dont la numérisation », souligne Gerd Chrzanowski. Avec 4.500 collaborateurs, Schwarz Digit emploie plus de personnels informatiques que Zalando, le champion allemand de l'e-commerce.
Pour l'heure, toutefois, le démarrage est lent. Le groupe ne communique pas le nombre de ses clients qui seraient une centaine selon la presse spécialisée. Le marché a encore du potentiel : 69 % des entreprises interrogées par Bitkom ont l'intention d'investir dans des solutions cloud en 2024 au plus tard.
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