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Photo du rédacteurThierry Bardy

Les géants des microprocesseurs se passionnent pour l'automobile



Florian Dèbes


Qualcomm propose 4,6 milliards de dollars pour racheter Veoneer, un spécialiste de l'assistance à la conduite. La voiture autonome ouvre un espace à l'américain et à ses rivaux alors que leurs marchés habituels se complexifient.

A nouveau, un roi du processeur pour smartphones et PC vient rouler sur les plates-bandes du secteur automobile. En dépit d'une offre de rachat adressée par l'équipementier Magna au spécialiste de l'assistance à la conduite Veoneer fin juillet, l'américain Qualcomm a soumis, jeudi 5 août, une contre-proposition à 4,6 milliards de dollars pour s'offrir l'entreprise suédoise avec laquelle il travaille déjà.

Symbole d'un rapport de force étant en train de basculer entre le monde de la tech et celui de l'auto, l'entreprise de San Diego a surenchéri de 18 % par rapport au montant sur lequel s'étaient accordés le groupe canadien et sa cible. « La balle est dans le camp de Magna. […] De notre point de vue, concurrencer Qualcomm semble difficile », prévient dans une note l'analyste de RBC Capital Joe Spak, qui sait à quel point les poches de la société dirigée par Cristiano Amon sont profondes.

Qualcomm n'est pas le premier champion californien des microprocesseurs à miser des milliards sur les technologies d'aide à la conduite. En 2017, Intel avait déboursé 15,3 milliards de dollars pour acheter l'israélien Mobileye, un spécialiste des puces conçues pour les systèmes dits Adas (« advanced driver-assistance systems » ou aide à la conduite automobile) et en particulier les technologies anticollisions. Devenu la plus grosse capitalisation boursière du secteur, Nvidia a, lui, développé en interne une technologie dédiée et baptisée « Xavier ».

« Ils veulent tous devenir le cerveau de la voiture car l'automobile devient un des marchés essentiels de l'électronique. Dans des véhicules de plus en plus autonomes, électriques et connectés, la valeur de l'électronique est amenée à tripler dans les années à venir », pointe Jean-Christophe Eloy, le président de Yole Développement, un cabinet de conseil spécialisé dans les semi-conducteurs.

Diversification bienvenue

Pour Intel et Qualcomm, cette diversification dans un secteur en pleine croissance est aussi une branche à laquelle se raccrocher quand Apple, pour le premier, Huawei et très récemment Google, pour le second, veulent devenir autonomes sur les marchés liés aux ordinateurs et aux smartphones. « Le design est devenu tellement clé que de plus en plus de fabricants internalisent ce travail et n'ont donc plus besoin de Qualcomm ou d'Intel », poursuit le consultant.

Client de Qualcomm pour ses smartphones, Google a annoncé il y a quelques jours qu'il se passera de ses puces Snapdragon pour le Pixel 6, attendu cet automne. « Apple est engagé avec Qualcomm jusqu'en 2023 pour les modems de l'iPhone, mais il est possible que ce soit internalisé par la suite », anticipe par ailleurs un observateur. Sur le marché des serveurs informatiques, les puces d'Intel et de Nvidia sont elles aussi mises au défi des processeurs développés par Amazon lui-même pour ses centres de données. Mais quand ils courent le risque d'être banalisé sur leur premier marché, les spécialistes du processeur voient bien l'opportunité à saisir sur le marché automobile. Le chiffre d'affaires annuel issu de la vente de systèmes Adas pourrait passer de 33 à 60 milliards de dollars d'ici à 2026, d'après Yole Développement. De son côté, Nvidia voit dans cette manne l'occasion d'écouler davantage de ses puces taillées pour l'intelligence artificielle, ce qui lui permettrait de dégager des économies d'échelle.

Mais les positions sur ce marché sont à prendre maintenant. En tirant le premier avec Mobileye, Intel a pris beaucoup d'avance. Les cartes pourraient toutefois bien être rebattues alors que les constructeurs auto se persuadent depuis peu qu'ils ne peuvent plus se contenter d'acheter des composants sur étagère, mais qu'ils doivent les concevoir eux-mêmes s'ils ne veulent pas être réduits au rôle de simples assembleurs.

« BMW, Volkswagen, Renault commencent à designer en interne leurs composants. C'est pour cela que Qualcomm veut racheter Veoneer, car il monterait d'un cran dans la chaîne de valeur en devenant aussi un fournisseur de modules Adas dont les constructeurs ont encore besoin, au lieu de n'être qu'un fournisseur de composants pour modules Adas », relève Jean-Christophe Eloy.

Position privilégiée chez TSMC

En outre, la pénurie de semi-conducteurs ouvre d'autres opportunités aux acteurs du processeur. Forts de leur relation ancienne avec les grandes fonderies qui fabriquent leurs puces - quand ils ne possèdent pas les leurs, à l'instar d'Intel -, les acteurs de la tech pourraient occuper une position privilégiée dans le catalogue de produits que les sociétés comme le taïwanais TSMC proposent de plus en plus en direct aux constructeurs automobiles.

« La prochaine étape pour Qualcomm sera un partenariat avec TSMC dans l'automobile », prédit un analyste. De quoi encore creuser un peu plus l'écart avec les technologies des équipementiers traditionnels de l'auto. Pour ces derniers, le risque est d'être pris en étau entre des géants de l'électronique qui arrivent sur leur marché et des constructeurs automobiles soucieux eux aussi de remonter dans la chaîne de valeur.

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