Alors que l'hydrogène renouvelable et bas carbone constituent une solution pour décarboner l'économie, les industriels de la filière alertent sur la tentation de recourir massivement à l'hydrogène dit « bleu », plus émetteur de gaz à effet de serre.
« L'hydrogène décarboné, produit à partir d'électricité et d'eau, représente un potentiel de réduction d'émission de gaz à effet de serre considérable. »
Dès le 1er juin 2018, la France s'est positionnée comme un précurseur en annonçant le déploiement d'un Plan hydrogène , molécule déjà identifiée comme « un atout pour notre indépendance énergétique mais également un immense gisement d'emplois ». Deux ans plus tard, l'ambition française se concrétise via la présentation de la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné produit par électrolyse de l'eau.
Le défi industriel est immense, mais nécessaire pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles dans un contexte géopolitique tendu. En effet, la consommation française d'hydrogène s'élève aujourd'hui à près de 900.000 tonnes par an et alimente des secteurs industriels stratégiques dans la chimie lourde comme la fabrication d'engrais azotés. Or, cet hydrogène est produit à 94 % à partir d'énergies fossiles. A elle seule, cette production d'origine fossile représente près de 3 % des émissions nationales de CO2.
Le potentiel de l'hydrogène décarboné
L'hydrogène décarboné, produit à partir d'électricité et d'eau, représente donc un potentiel de réduction d'émission de gaz à effet de serre considérable, dans un contexte où nous devons accélérer l'électrification de notre économie. Il permet également d' envisager la décarbonation d'autres secteurs très émetteurs et particulièrement difficiles à décarboner comme la production d'acier, d'engrais, la mobilité lourde et intensive ou bien les transports aériens et maritimes via la fabrication de carburants de synthèse.
94 %
Aujourd'hui, l'hydrogène est produit à 94 % à partir d'énergies fossiles.
Ainsi, depuis quelques années, se structure une filière française de production d'hydrogène totalement décarboné. Et la maturité industrielle est déjà proche, comme en atteste la construction des « giga-usines » de production d'électrolyseurs, les premières installations en exploitation et les plus de 150 projets en cours de développement sur notre territoire. Le développement de cette nouvelle filière est favorisé par le mix électrique français décarboné, composé majoritairement de nucléaire et d'énergies renouvelables, qui constitue un avantage comparatif majeur par rapport à nos voisins européens (56gCO2eq/kWh en 2021 contre une moyenne de 238gCO2eq/kWh dans l'Union européenne, selon l'Agence européenne pour l'environnement) et permet de faire de l'hydrogène électrolytique un puissant levier de décarbonation de notre industrie.
Les risques de l'hydrogène « bleu »
Néanmoins, le développement de cette solution, qui présente un avantage inédit en matière d'émissions, fait l'objet d'une nouvelle incertitude face à la tentation d'encourager la production d'hydrogène à partir d'énergies fossiles combinée aux technologies de captage et de stockage du CO2, dit hydrogène « bleu » .
Le recours indiscerné à la capture du carbone risque de maintenir la France et l'Union européenne dans une dépendance durable au gaz fossile importé, pour des performances de décarbonation incompatibles avec nos objectifs climatiques. En effet, la production de cet hydrogène « bleu » émet des gaz à effet de serre, à la fois car les performances de captage ne couvrent pas l'ensemble des émissions du procédé, mais aussi en raison des émissions fugitives de méthane, puissant gaz à effet de serre, issues de la chaîne d'approvisionnement du gaz naturel. Cela doit inciter à la plus grande prudence dans le choix des technologies de production d'hydrogène en France et en Europe, et invite à prioriser le recours au captage du CO2 et l'accès aux capacités limitées de stockage au bénéfice des industries n'ayant aucune autre solution de décarbonation, par exemple les cimenteries.
En cette période charnière pour le futur de la politique énergétique et de la stratégie hydrogène française, la filière de production d'hydrogène par électrolyse a besoin de visibilité et de constance pour concrétiser les investissements déjà consentis et atteindre nos objectifs climatiques.
Les industriels de la filière appellent ainsi le Premier ministre et son Gouvernement à poursuivre cette ambition en actant une nouvelle stratégie hydrogène et en publiant le mécanisme de soutien à l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau, inscrit dans la loi depuis 2021.
La trajectoire technologique est claire, et la taille des défis à relever ne doit pas nous faire dévier de l'objectif de sortie des énergies fossiles. La France se doit d'être au rendez-vous de la lutte contre le changement climatique et de la mise en oeuvre de sa souveraineté énergétique.
Cette tribune est signée par une coalition d'industriels de la filière hydrogène renouvelable et bas carbone, dont la liste est à retrouver ici : https://drive.google.com/file/d/1TUY-Dld7t0gkQM6Wxs_UYljKUocxeMr5/view
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