Adrien Lelièvre
La création de davantage de passerelles entre les grands groupes et les start-up est souvent citée comme une nécessité pour les deux parties. Les choses se sont accélérées en France sur le sujet, mais il reste des obstacles à lever.
Le début de la crise sanitaire avait donné un coup de frein brutal au rapprochement entre les start-up françaises et les grands groupes. Mais, à l'heure de la montée en puissance de la campagne de vaccination et de la reprise économique, les espoirs d'une collaboration plus fructueuse sont permis pour l'avenir. Il est vrai que, ces derniers mois, des start-up comme Doctolib, proposant des services en phase avec les besoins du moment, ont réussi une percée spectaculaire. A l'inverse, la pandémie a mis en lumière des carences chez certains grands groupes dans l'utilisation d'outils numériques, voire dans l'organisation du travail.
« Il est indispensable que les grands groupes arrivent à se transformer. La mission pilotée actuellement par Nicolas Guérin sur la transformation numérique des grandes entreprises est très intéressante pour les y aider », observe Cédric O, secrétaire d'Etat au Numérique. Cette mission réfléchit notamment à créer davantage de passerelles entre grands groupes et start-up. L'enjeu est d'importance : dans la Silicon Valley, rares sont les semaines où des poids lourds ne mettent pas la main sur des pépites prometteuses ou ne signent des partenariats stratégiques.
Des progrès ont été réalisés dans l'Hexagone. « Les grands groupes manifestent de plus en plus d'intérêt pour les start-up, et n'hésitent pas à le clamer, observe Christophe Garonne, professeur d'entrepreneuriat et directeur de l'incubateur de Kedge Business School. Mais, dans les faits, ces entreprises doivent encore apprendre à mieux se connaître et sortir des mythes selon lesquels le grand groupe attend tout des innovations de la start-up et, inversement, que la start-up va bénéficier de beaucoup plus d'argent grâce au grand groupe pour se développer. »
Dans tous les secteurs, certains poids lourds comme Sodexo, Carrefour, Accor ou Société Générale n'hésitent plus à passer à l'action. La banque dirigée par Frédéric Oudéa a ainsi racheté les fintechs Treezor en 2018, puis Shine en 2020. En décembre dernier, la banque a également mis la main sur Reezocar, un spécialiste de la voiture d'occasion.
« Nous pouvions soit poursuivre notre aventure de façon indépendante et lever des fonds, soit rejoindre Société Générale », se souvient Laurent Potel, cofondateur de Reezocar. L'entrepreneur assure avoir été séduit par les « synergies évidentes » réalisables grâce à la banque, qui propose des produits d'assurance et dispose d'un vaste réseau d'agences. La transition a été d'autant plus douce que Société Générale avait déjà investi dans Reezocar trois ans auparavant. « Nous avions pu auditer les équipes avec lesquelles nous allions travailler afin de comprendre leur vision, leur organisation et identifier leur culture d'entreprise », glisse Laurent Potel.
Le vendeur de voiture d'occasions, Aramis, qui a cédé la majorité de son capital à PSA en 2016 a, lui, triplé de taille pour dépasser le milliard d'euros de chiffre d'affaires et peut maintenant viser une introduction en Bourse.
Intégration parfois difficile
Si La Poste a multiplié les prises de participations dans de jeunes pousses pour enrichir son offre de services, elle a aussi essuyé les plâtres d'une relation parfois complexe. Elle a ainsi investi dans le spécialiste du dernier kilomètre Stuart (via Geopost), avant de finalement l'acquérir pour 13 millions. Mais cette opération n'a rien eu d'un long fleuve tranquille. « C'était le choc des deux mondes », indique une source.
Le modèle social de la jeune pousse avait notamment été critiqué par les syndicats car Stuart n'emploie pas des salariés en CDI mais des coursiers sous statut indépendant. Se voulant responsable, La Poste avait dû donner des garanties en termes de couverture sociale et de lutte contre la précarité alors que Stuart reste en concurrence avec d'autres acteurs de la nouvelle économie.
Comme souvent après des rachats, les cofondateurs de Stuart, Benjamin Chemla et Clément Benoît, ont d'ailleurs été remplacés. « Les deux tiers des fusions acquisitions n'atteignent pas les objectifs qui étaient fixés au moment de la signature du deal », rappelle Christophe Garonne. Que cela concerne les OPA impliquant des start-up ou non. Mais l'exemple d'un Walmart, qui aux Etats-Unis a multiplié les acquisitions et initiatives dans le e-commerce pour mieux rivaliser avec succès avec Amazon, prouve que les grands groupes peuvent aussi faire des start-up de véritables alliés.
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